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TF1 / YouTube : une décision riche en « contenus »
Propriété intellectuelle / Nouvelles technologies / Communication
11 juillet 2012
Par un long jugement rendu le 29 mai 2012 abordant de nombreuses questions du droit de l’internet et de la responsabilité des hébergeurs de contenus, le Tribunal de grande instance de Paris a débouté les sociétés TF1 et LCI de toutes leurs demandes sur le fondement des droits d’auteur et des droits voisins, de la contrefaçon, de la concurrence déloyale et du parasitisme à l’encontre de la société YouTube.
Les sociétés TF1 et LCI avaient assigné la société YouTube après avoir constaté que des vidéos issues de leurs programmes étaient présentes sur la plateforme de partage de vidéos en ligne. Les sociétés demanderesses sollicitaient l’attribution de 150 millions d’euros à titre de réparation du préjudice allégué en se fondant sur le manque à gagner calculé en fonction du nombre de vues des vidéos.
– Demandes au titre de la contrefaçon de droits d’auteur :
Les sociétés demanderesses prétendaient détenir des droits d’auteur sur les vidéos litigieuses, et souhaitaient voir engager la responsabilité de la société YouTube pour la mise en ligne des contenus.
Or, pour le Tribunal, les sociétés demanderesses ne sont pas parvenues à justifier de la titularité de droits d’auteur sur les contenus litigieux et à identifier les programmes audiovisuels concernés.
Par conséquent, le Tribunal, soulignant qu’aucune présomption de titularité ne pouvait être invoquée, les déclare donc irrecevable à agir sur le fondement des droits d’auteur et, parallèlement, rappelle que le cumul de fondements juridiques opéré en l’espèce (avec le régime de protection des producteurs de vidéogrammes) pour demander réparation d’un même préjudice n’est pas possible.
– Le statut de YouTube :
Pour les sociétés demanderesses, la société YouTube a joué un rôle actif dans la mise en avant des vidéos litigieuses de nature à lui conférer une connaissance et un contrôle sur ces dernières et donc l’attribution du statut d’éditeur.
A l’inverse, le Tribunal considère qu’au regard de l’article 6-I-2 de la Loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), et à défaut de preuves d’un rôle éditorial apportées par les sociétés demanderesses, la société Youtube est un hébergeur.
Ainsi, la mise en avant de certaines vidéos n’a aucune incidence sur cette qualification, dès lors que la sélection s’effectue de manière automatique par algorythmes.
Par ailleurs, le caractère rentable de l’activité pour YouTube, résultant de la présence de publicité sur la plateforme, ne peut être un élément conduisant à écarter la qualification d’hébergeur.
En application de l’article précité, la responsabilité de YouTube ne pouvait être engagée qu’en cas de manquement à l’obligation de retirer un contenu lui étant signalé. A ce sujet, le Tribunal constate que YouTube a certes retiré les contenus signalés mais dans un délai de 5 jours, ce qui semblerait excéder le délai raisonnable exigé.
Le Tribunal rappelle que, conformément à la jurisprudence (française et européenne), il n’appartenait pas à la société défenderesse de filtrer les contenus a priori.
Au surplus, en créant le « Contrat d’identification et de gestion de contenus », YouTube démontre sa volonté de respecter les droits des tiers et d’informer le public de cette préoccupation.
Néanmoins, le Tribunal constate que la clause, non négociée, d’acquisition automatique de contenus insérée dans les Conditions générales d’utilisation du site, n’est certes pas contradictoire avec l’activité d’un hébergeur, mais qu’elle serait contestable au regard du droit d’auteur à défaut d’être limitée dans le temps et l’espace.
– Demande au titre de la contrefaçon de marque :
Les sociétés demanderesses considéraient que la présence des logos « TF1 » et « LCI » sur certaines vidéos constituaient une contrefaçon par reproduction.
Le Tribunal rejette cet argument aux motifs que les logos sont présents du fait des internautes et qu’il n’y a pas d’usage de ces signes à titre de marque.
– Demande au titre de la concurrence déloyale et parasitaire :
Pour déclarer irrecevable la demande formulée par les sociétés demanderesses au titre de la concurrence déloyale, le Tribunal relève que ces dernières ne fondent pas leur demande à ce titre sur des faits distincts de ceux allégués et rejetés au titre de la propriété intellectuelle. Les juges soulignent aussi que les deux parties n’étant pas en situation de concurrence, seul le parasitisme serait à considérer.
Cependant, la demande de réparation au titre de la concurrence parasitaire est également rejetée au motif que les sociétés demanderesses n’ont pas établi que la société YouTube ait copié leur valeur économique.
– Le préjudice allégué:
Les sociétés demanderesses produisaient des rapports évaluant la perte moyenne de chiffre d’affaires pour chaque visualisation de contenus.
Le Tribunal balaie cette estimation et rappelle que l’activité de la société YouTube étant licite, il ne peut lui être reproché de détourner des « paires d’yeux ».