Rappel sur les conditions du cumul de qualifications pénales : Le cumul possible entre les délits d’escroquerie et de faux et usage de faux (Cass., crim., 14 novembre 2013, n°12-87991)

Type

Droit Pénal

Date de publication

20 février 2014

Interrogée sur la possibilité d’un cumul des qualifications d’escroquerie et de faux et usage de faux, la chambre criminelle rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle le cumul de qualifications est possible dès lors que les valeurs ou intérêts protégés par les textes d’incrimination sont distincts (voir par ex. cass., crim., 3 mars 1960).

En l’espèce une personne avait imité la signature de sa mère et fourni les coordonnées bancaires de celle-ci afin de contracter un crédit à la consommation, divers abonnements (téléphonie, EDF-GDF) et un contrat d’assurance automobile. Condamnée des chefs d’escroquerie et de faux et usage de faux, la prévenue formait un pourvoi en cassation soulevant notamment le moyen tiré de l’impossibilité pour un même fait, autrement qualifié, d’entraîner une double déclaration de culpabilité.

Sur le fondement du principe non bis in idem, interdisant de poursuivre une même personne deux fois pour les mêmes faits, la prévenue soutenait que la fausse signature n’était qu’un élément constitutif du délit d’escroquerie et ne pouvait dès lors être constitutive en sus du délit de faux. La chambre criminelle ne retient pas cette interprétation, réaffirmant la distinction traditionnellement opérée sur le fondement des intérêts protégés et validée par la CEDH (Oliveira c/ Suisse, 30 juillet 1998, §22).

Lorsqu’une même valeur sociale est protégée par les deux textes entrant en concours, une seule qualification pénale pourra être retenue (par exemple l’homicide volontaire et l’empoisonnement qui portent tout deux atteinte à la vie). Cependant, lorsque les qualifications concurrentes protègent des valeurs sociales ou des intérêts distincts, il sera possible de retenir autant d’infractions que de valeurs sociales atteintes.

En l’espèce, le délit d’escroquerie sanctionne l’atteinte portée à la propriété d’autrui tandis que le délit de faux sanctionne les atteintes à la confiance publique, les valeurs protégées étant distinctes la chambre criminelle en conclu que la prévenue pouvait être déclarée coupable des deux chefs de prévention.

Il est nécessaire de rappeler que si le cumul de qualifications est dans certains cas possible, il est en revanche prohibé de cumuler les peines correctionnelles et criminelles de même nature. Ainsi, la peine d’emprisonnement encourue par la prévenue ne pouvait être supérieure au maximum prévu pour l’une ou l’autre des infractions, soit le maximum de 5 ans d’emprisonnement prévu pour le délit d’escroquerie.

Le cas d’espèce concernant une escroquerie commise par une personne à l’encontre de sa mère, l’immunité familiale prévue pour le délit de vol (art. 311-12 C. pénal) et applicable à l’escroquerie (art. 313-3 C. pénal) aurait pu être soulevée, rendant a priori les poursuites pour escroquerie impossibles en l’espèce.

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