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La liberté d’expression des salariés à l’épreuve des réseaux sociaux : actualité jurisprudentielle
Droit social
31 octobre 2018
A une époque où la technologie joue un rôle central dans les rapports entre individus, la question se pose de savoir comment la liberté d’expression des salariés peut être conciliée avec l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux comme moyens d’expression.
En principe, les salariés sont libres de s’exprimer tant dans l’entreprise qu’en dehors de celle-ci. Cela étant, tout abus de cette liberté peut faire l’objet d’une sanction par l’employeur et peut conduire au licenciement du salarié. Une jurisprudence constante considère qu’il y a abus lorsque le salarié tient des propos injurieux, diffamatoires, malveillants ou excessifs à l’encontre de l’entreprise, de ses dirigeants ou de ses collègues (Cass. Soc., 28 avril 1994, n° 92-43.917 ; Cass. Soc., 25 juin 2002, n°00-44.001 ; Cass. Soc., 13 février 2013, n°11-26.098).
Les contours et les limites de la liberté d’expression deviennent plus difficiles à définir lorsque les salariés s’expriment sur les réseaux sociaux, tels que Facebook. Par trois arrêts rendus en 2018, la jurisprudence a confirmé sa position sur la question en appliquant le critère du caractère privé ou public des propos exprimés.
Tant que les propos tenus par le salarié au sujet de l’entreprise sur un réseau social restent « privés », ils ne peuvent pas être reprochés par l’employeur, et ce indépendamment de leur teneur.
Sur ce point, la Cour de Cassation a confirmé la Cour d’appel de Paris en considérant que les propos tenus par un salarié sur Facebook, mais accessibles exclusivement à des personnes agréées par le titulaire du compte et peu nombreuses (en l’espèce 14 personnes), sont privés de sorte qu’ils ne justifient pas un licenciement, et encore moins une faute grave (Cass. Soc., 12 septembre 2018, n°16-11690).
En revanche, lorsque les propos malveillants ou injurieux des salariés sont publics, l’employeur peut les sanctionner. A cet égard, la Cour de Cassation a considéré que le message excessif, déloyal et malveillant à l’égard de l’employeur publié par un salarié sur un site internet accessible à tout public constitue un abus de la liberté d’expression et justifie un licenciement pour faute grave (Cass. Soc., 11 avril 2018, n°16-18590).
De même, la Cour d’appel de Toulouse a jugé que le fait pour un salarié de laisser sa session Facebook volontairement ouverte sur l’ordinateur de l’entreprise et de rendre ainsi ses conversations visibles des autres salariés, rend celles-ci publiques et donc sanctionnables (Cour d’appel de Toulouse, 2 février 2018, n°16/04882).
Il ressort de ces trois arrêts que la frontière entre le public et le privé est à rechercher dans le périmètre de diffusion des informations du salarié (accessibilité, éventail de personnes destinataires des propos, paramétrage des comptes sur les réseaux sociaux, etc.). Seules les injures à caractère public peuvent être sanctionnées.
Nous rappelons qu’il incombe à l’employeur d’apporter la preuve du caractère public des propos dont il se prévaut. Il est donc recommandé de s’assurer du caractère public des propos tenus par un salariés sur un réseau social avant de le sanctionner, au risque de voir annuler la sanction ou que le licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse.