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Droit des marques – Le dédouanement et l’entreposage de marchandises contrefaisantes par un particulier constitue un usage dans la vie des affaires
Veille juridique
30 juin 2020
CJUE, 30 avril 2020, C-772-18
La contrefaçon de marque suppose de démontrer un usage non autorisé de la marque dans la vie des affaires. La CJUE est récemment revenu sur cette dernière notion, précisant une fois encore l’interprétation des dispositions de l’article 5 § 1 de la Directive 2008/95.
Dans cette affaire, un résident finlandais était l’intermédiaire dans le cadre du cheminement d’un lot de 150 roulements à billes, pour une masse totale de 710 kg, sur lesquels était apposée la marque « INA ». Ce lot avait été acheté en Chine pour être exporté vers la Russie par des tiers, tout en faisant une étape intermédiaire en Finlande. La mission consistait donc à effectuer les formalités de dédouanement et à entreposer le lot litigieux à son adresse avant sa remise aux tiers acheteurs. Cette activité n’était pas effectuée formellement dans le cadre d’une activité commerciale ou professionnelle, et sa rétribution se limitait à du tabac et de l’alcool.
Une procédure pénale pour contrefaçon a été ouverte à son encontre, et le titulaire de la marque s’est alors constitué partie civile. A l’issue de la procédure au fond, ce résident a été relaxé de l’infraction de contrefaçon à défaut de caractère intentionnel, et la demande d’indemnisation formée par la partie civile a été rejetée par la juridiction d’appel qui a estimé que son activité n’était pas équivalente à une activité d’entreposage et de transit, et qu’il n’en avait pas retiré d’avantage économique, ce qui excluait un usage de la marque dans la vie des affaires.
La haute juridiction finlandaise a posé à la CJUE quatre questions préjudicielles afin de savoir si le titulaire de la marque avait ou non le pouvoir d’interdire de tels actes.
Tout d’abord, la Cour revient sur la notion d’actes d’importation au sens de l’article 5 § 1 de la Directive 2008/95 et considère qu’une personne qui communique son adresse afin que les produits litigieux puissent y être expédiés et qui procède ou fait procéder par un agent au dédouanement de ces produits, et les met en libre pratique, accomplit bien un acte d’importation.
Une fois l’acte accompli par le particulier qualifié d’acte d’importation, la Cour est interrogée sur le point de savoir si le particulier, importateur, a fait un usage de la marque dans la vie des affaires.
Sur ce point, la Cour rappelle que la marque ne peut être invoquée qu’à l’encontre d’opérateurs économiques agissant dans le contexte d’une activité commerciale, laquelle s’apprécie au regard d’éléments objectifs. Ainsi, l’activité commerciale se trouve caractérisée lorsque l’opérateur effectue des opérations qui dépassent en raison de leur volume, de leur fréquence ou d’autres caractéristiques, la sphère d’une activité privée.
Concernant les faits litigieux, la Cour souligne que la juridiction de renvoi devra apprécier l’existence d’une telle activité commerciale au regard du volume du lot non négligeable et de la nature particulière des produits, manifestement destinés à l’industrie lourde, et non à un usage privé.
A contrario, la Cour précise les éléments dont la prise en compte ne doit pas avoir d’incidence sur l’appréciation de l’usage du signe dans la vie des affaires.
La Cour rappelle tout d’abord que le critère de la propriété des produits sur lesquels la marque est apposée est dépourvue de pertinence. En d’autres termes, le fait qu’un tiers utilise un signe correspondant à une marque pour des produits sur lesquels il ne peut justifier d’aucun titre de propriété, n’empêche pas qu’il en fasse un usage dans la vie des affaires. Par ailleurs, l’importance de la rémunération que l’importateur a reçu en contrepartie de son activité est également sans incidence. Est donc indifférent en l’espèce le fait que le particulier perçoive une contrepartie autre que pécuniaire.
Les éléments d’appréciation fournis par la Cour favorisent a priori une reconnaissance de l’usage dans la vie des affaires par la juridiction nationale. Gare donc à l’intermédiaire d’une chaine d’importation de produits contrefaisants, qui se croirait dénué de toute responsabilité du seul fait qu’il n’agirait pas dans le cadre d’une activité formellement commerciale ou à des fins pécuniaires.