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Usage d’une marque par un syndicat : reconnaissance d’un usage dans la vie des affaires
Veille juridique
9 avril 2020
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 3ème chambre, 23 mai 2019 (2016/20267) Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Chambre 2, 7 février 2020 (18/14427)
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence et la Cour d’appel de Paris ont récemment confirmé qu’un syndicat faisait bien un usage dans la vie des affaires en exploitant une marque lui appartenant.
Auparavant, la Cour de cassation avait fait preuve d’une certaine frilosité à faire bénéficier les syndicats du droit des marques. Dans un arrêt rendu le 10 mai 2011, elle avait ainsi écarté une action en contrefaçon menée par un syndicat à l’encontre d’un syndicat concurrent en retenant que la diffusion d’un signe protégé dans une lettre syndicale ne constituait pas un usage dans la vie des affaires (Cass, com, 10 mai 2011 n° 10-18.173).
Au regard de la solution retenue par la haute juridiction, la marque syndicale déposée ne pouvait guère être protégée contre l’usage fait par des tiers, en particulier par d’autres syndicats relevant pourtant de la même spécialité.
Ces dernières années, les juges du fond semblent adopter une approche plus pragmatique sur la notion de vie des affaires, comme le démontre l’arrêt du 23 mai 2019 de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.
En l’espèce, s’agissant de l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, l’UNSA, union syndicale interprofessionnelle, est titulaire d’une marque semi-figurative « UNSA LIBRES ENSEMBLES », dont un autre syndicat, l’OSEDI, a fait usage au cours de l’année 2014 en reproduisant le signe « UNSA » et l’élément figuratif l’accompagnant sur deux bulletins d’adhésion. En parallèle, il reproduisait l’intégralité de la marque déposée sur un troisième bulletin d’adhésion ainsi que sur une attestation adressée à un tribunal des affaires de sécurité sociale.
Dans ce contexte, l’UNSA a assigné l’OSEDI devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille en contrefaçon de sa marque.
La juridiction du premier degré a fait droit à l’ensemble de ses demandes, à la suite de quoi un appel a été interjeté par l’OSEDI.
Sur le terrain du droit des marques, la juridiction d’appel se réfère à la définition de la vie des affaires établie par la Cour de justice de l’Union européenne : « la vie des affaires s’interprète comme se distinguant du domaine privé et comme englobant (…) toute activité commerciale ». Elle apporte toutefois une précision en ajoutant à l’activité commerciale « toute activité produisant pour l’agent un avantage économique direct ou indirect ».
Elle retient alors qu’« un syndicat recueillant des cotisations ou assistant un salarié dans un démarche, doit être considéré comme agissant dans la vie des affaires au sens du Code de la propriété intellectuelle, puisqu’il perçoit des ressources et offre des prestations qui pourraient être assurées par des organisations concurrentes ».
La contrefaçon de marque est donc confirmée par la Cour dès lors que les actes de reproduction d’une marque sur des bulletins d’adhésion « constituent bien des actes d’usage et d’imitation de la marque dont l’UNSA est titulaire ».
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence s’inscrit ainsi dans la tendance amorcée par les juges du fond ces dernières années.
Le Tribunal de Grande Instance de Paris avait déjà retenu le 6 avril 2018 que la reproduction du signe sur des lettres à en-tête, et des bulletins d’adhésion « afin de permettre à l’internaute d’adhérer au syndicat » concourt « à la recherche d’un avantage économique par la quête de l’adhésion des salariés, source de revenu, permettant au syndicat de financer son activité ».
Dès lors, « l’usage du signe (…) par l’avantage commercial qu’il apporte ne peut être considéré comme relevant du seul domaine privé et peut caractériser aussi un usage dans la vie des affaires ».
Ce jugement a très récemment été confirmé dans toutes ses dispositions par la Cour d’appel de Paris le 7 février 2020 qui a souligné que « s’il est certain que les parties ne sont pas des entreprises commerciales, il n’en demeure pas moins que c’est bien dans le cadre de son activité syndicale et afin de promouvoir celle-ci, ainsi que l’équipe qui la compose, que le signe CFDT a été utilisé ».
Par cette approche élargie de la notion de vie des affaires, les juridictions confirment que les signes distinctifs utilisés par les syndicats dans le cadre de leur activité et de leur développement sont bien éligibles à la protection par le droit des marques.