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Action en follow on : le point de départ de la prescription est fixé à la date du prononcé de la décision de l’Autorité de la concurrence
Veille juridique
9 mars 2021
Cass. Com. 27 janvier 2021, n° 18-16.279 Article L.481-1 du code commerce Ordonnance du 9 mars 2017 (n°2017-303)
Directive du 26 novembre 2014 (n°2014/104/UE)
Par son arrêt du 27 janvier 2021 (n° 18-16.279) la Cour de cassation reconnaît, dans la lignée de la cour d’appel de Paris (Paris, 28 février 2018), que le point de départ de la prescription, de 5 ans, des actions civiles consécutives à une décision d’une autorité de concurrence, dites actions en « follow-on », est la date du prononcé de la décision de l’Autorité dans l’affaire en cause.
Elle se place dans le contexte florissant des actions en follow-on, plus courantes que les actions en stand-alone (indépendantes à toute décision de l’Autorité), dispensant le demandeur de prouver la faute qui se trouve établie par la décision de l’Autorité, présomption irréfragable.
Les modalités d’établissement du point de départ de la prescription sont prévues à l’article L482-1 du code de commerce tiré de l’ordonnance du 9 mars 2017 (n° 2017-303) portant transposition de la directive du 26 novembre 2014 sur la réparation des préjudices privés (n° 2014/104/UE). Ce dernier dispose que le « délai de prescription commence à courir du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître de façon cumulative :
- Les actes ou faits imputés à l’une des personnes physiques ou morales, mentionnées à l’article L. 481-1 et le fait qu’ils constituent une pratique anticoncurrentielle ;
- Le fait que cette pratique lui cause dommage ;
- L’identité de l’un des auteurs de cette pratique.
Toutefois, la prescription ne court pas tant que la pratique anticoncurrentielle n’a pas cessé. »
Cette disposition n’étant pas applicable à ce litige le raisonnement de la cour d’appel, repris par la Cour de cassation, s’inscrit dans la même logique.
En l’espèce, l’Autorité (n° 10-D-39 du 22 décembre 2010) a sanctionné les 8 principaux fabricants de panneaux de signalisation routière verticale au titre de leur participation à un cartel de 1997 au 14 mars 2006, matérialisé notamment par la répartition de marchés publics selon des prix et quotas fixés en commun. L’action consécutive en cause avait été initiée par un concurrent évincé, la société EMC2 et son dirigeant M. Aa (à titre personnel).
La cour d’appel, afin de fixer le point de départ de la prescription à la date du prononcé de la décision de l’Autorité, affirme que le délai commence à courir à compter du jour où la victime a eu connaissance de 3 éléments : l’existence de la pratique anticoncurrentielle en cause, le dommage que cette dernière lui a causé et l’identité de l’un des auteurs de la pratique. En l’espèce, elle n’a pas retenu l’argumentaire des sociétés condamnées quant à la prescription de l’action du fait de la connaissance présumée des éléments nécessaires par la société EMC2 antérieurement à la décision de l’Autorité. Ils se pourvoient en cassation invoquant, entre autres, ce moyen.
La Cour de cassation, dans son examen des moyens présentés quant au départ de la prescription, affirme la nécessité d’éléments de connaissance précis sur l’existence du cartel, de son fonctionnement et de ses membres, devant « dépasser la simple rumeur » (pt. 8).
Les parties demanderesses affirment que le dirigeant de la société EMC2 ayant occupé la fonction de directeur commercial antérieurement à 1995 au sein de deux sociétés, « pivots de l’entente », il avait connaissance du périmètre de cette dernière. La Cour de cassation retient que du fait du poste qu’il a occupé au sein d’une filiale d’une des sociétés en cause, pendant 3 mois, il ne pouvait en effet ignorer son existence mais « ne connaissait pas avec exactitude, le fonctionnement et tous les membres composant le cartel » (pt.7). De plus, le simple fait que la société EMC2 ait par la suite mis en place une politique commerciale afin de contrer l’entente ne caractérise pas « une connaissance exacte des modalités du cartel et de ses membres » (pt.8). Enfin, elle affirme que « seule la décision de l’Autorité avait révélé le dommage aux victimes », dernier élément nécessaire au départ du délai (pt.10).
Ainsi, seule la décision de l’Autorité, telle que l’affirmait la cour d’appel repris par la Cour de cassation, permet aux potentielles victimes de pratiques anticoncurrentielles souhaitant agir en réparation, d’avoir connaissance des 3 éléments cumulatifs nécessaires à leur action.