« Barème Macron » : La Cour de cassation a (enfin) tranché !

Type

Veille juridique

Date de publication

28 juin 2022

La saga du « barème Macron » semble close par les deux décisions, très attendues, de la Chambre sociale de la Cour de cassation statuant en formation plénière. Les arrêts rendus le 11 mai 2022 (Cass. soc. 11 mai 2022, n°21-14.490 et 21-15.247) viennent confirmer la légitimité de ce barème d’indemnisation pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse.

Le contentieux lié à la validité du « barème Macron » était le suivant : plusieurs Conseil de Prud’hommes et Cours d’appel refusaient d’appliquer ce barème légal d’indemnisation, qu’ils considéraient comme contraire à l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT et à l’article 24 de la Charte Sociale Européenne fixant le principe d’une réparation « adéquate » du préjudice subi par le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse (voir nos Newsletters de septembre 2021, janvier 2020, juin et février 2019 sur la question).

Pour rappel, le « barème Macron » résultant de l’article L 1235-3 du Code du travail instauré par les ordonnances « Macron » du 22 septembre 2017, fixe des montants minimaux et maximaux, exprimés en mois de salaire brut, d’indemnités accordées aux salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse en fonction de la taille de l’entreprise et de leur ancienneté.

Ce barème était contesté du fait de sa nature même empêchant nécessairement, d’après certains, la réparation intégrale du préjudice. L’indemnité adéquate étant comprise par ces derniers comme une indemnité à calculer in concreto selon le préjudice subi du fait du licenciement abusif.

Or, rappelons que le barème a été déterminé sur la base d’une évaluation moyenne des dommages et intérêts octroyés avant 2017 par les Cours d’appel. Par ailleurs, le barème étant constitué pour chaque année d’ancienneté, d’un montant minimal et maximal, le juge a tout de même la possibilité d’adapter, dans une fourchette prédéfinie, le montant de l’indemnité pour la rendre adéquate au préjudice du salarié.

Les opposants au barème craignaient que ce dernier ne permette aux employeurs d’envisager plus facilement le licenciement d’un salarié en sachant à l’avance quelle indemnité ils devraient payer.  C’est sur ces différents points que la Cour de cassation a statué en exposant, dans le détail, son argumentation. Le schéma est relativement le même dans les deux arrêts si ce n’est que dans l’un, le salarié s’appuie sur l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT pour contrer le barème et dans l’autre, il s’appuie sur l’article 24 de la Charte Sociale Européenne.

Dans un premier temps, la Haute juridiction rappelle que l’article 24 de la Charte Sociale Européenne n’est pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers. Ainsi l’invocation de cet article ne pouvait pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L 1235-3 du Code du travail. En revanche, l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT est d’effet direct.

Ces textes ont été invoqués pour rappeler à la Cour que l’indemnité doit être adéquate au préjudice subi par le salarié. Or, la Cour précise que le terme « adéquat » visé par ces articles signifie que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit, d’une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d’autre part être raisonnable pour permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi. La Haute juridiction assure qu’à cet égard, l’indemnité prévue par le « barème Macron » est adéquate. Pour cela elle invoque deux arguments : d’une part, les situations exceptionnelles dans lesquelles le barème est écarté pour permettre une indemnité encore plus adéquate, c’est-à-dire dans les cas de nullité du licenciement ; d’autre part, le caractère dissuasif des sommes prévues grâce à l’application d’office par les juges des dispositions de l’article L 1235-4 du Code du travail, qui prévoit dans certains cas le remboursement par l’employeur fautif aux organismes des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois.

Ainsi, le rôle du Juge dans ce type de litige n’est pas de juger si l’indemnité doit être décidée in concreto ou sur la base du barème mais de fixer le montant de cette indemnité, le cas échéant, dans la fourchette prévue par rapport à l’ancienneté du salarié. Ainsi, le « barème Macron » ne peut être écarté sauf en cas de nullité du licenciement : la Cour de cassation a enfin tranché après plusieurs années d’incertitude juridique.

C’est cependant sans compter le rapport du Comité européen des droits sociaux (CEDS), organe de contrôle du respect par les Etats membres de la Charte sociale européenne, qui vient de considérer le « barème Macron » contraire aux engagements internationaux de la France, tout comme il avait sanctionné les législations similaires finlandaise et italienne. Ce rapport, qui ne devrait être rendu public qu’en septembre, n’a certes pas d’effet contraignant sur les Juges français mais pourrait continuer à alimenter le contentieux devant les juridictions.

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