Coup de sifflet final au statut d’hébergeur de l’exploitant du site rojadirecta.me

Type

Propriété intellectuelle / Nouvelles technologies / Communication

Date de publication

10 juin 2015

La frontière entre les activités d’éditeur et d’hébergeur de sites Internet est parfois poreuse.

C’est ce qui ressort notamment du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 19 mars 2015 qualifiant la société PUERTO 80 d’éditrice du site rojadirecta.me, lui refusant ainsi le statut d’hébergeur.

La question du statut d’éditeur ou d’hébergeur est d’autant plus essentielle qu’elle est à la base de la mise en jeu des responsabilités des exploitants de sites Internet telle que prévue par l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dite LCEN.

En effet, alors que l’éditeur d’un site Internet est responsable de tout contenu qui y est publié, la responsabilité « allégée » de l’hébergeur est subordonnée à la preuve que ce dernier avait « effectivement connaissance [du] caractère illicite » du contenu hébergé ou que, ayant eu connaissance de ce caractère illicite, il n’a pas « agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ».

En l’espèce, le site rojadirecta.me proposait des liens hypertextes permettant d’accéder à la diffusion gratuite de compétitions sportives sans en détenir les droits d’exploitation.

La Ligue de Football Professionnelle, ayant concédé à titre exclusif les droits d’exploitation audiovisuelle en direct des championnats de football à certaines chaînes de télévision, a assigné la société PUERTO 80 afin de voir ordonner la suppression des liens hypertextes publiés sur son site Internet. Cette dernière sollicitait le bénéfice du régime de responsabilité allégée accordé aux hébergeurs par la LCEN.

L’article 6.I.2 de la LCEN définit l’activité d’hébergeur comme le fait d’assurer « même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ».

Le Tribunal en déduit, a contrario, que l’activité d’éditeur « se définit par une “maîtrise éditoriale” sur les contenus, la mise à disposition d’un contenu original ».

Les contours de la notion de « maîtrise éditoriale » sont définis, au cas par cas, par les juges du fond.

En l’espèce, la maîtrise éditoriale et le contrôle exercés par la société PUERTO 80 sont caractérisés par le fait qu’elle « répertorie, stocke, organise et propose, avec une présentation pertinente, à la fois chronologique et par types de sport, alliée à un moteur de recherche, des liens supposés envoyés par des tiers et permettant de voir en direct des matches sportifs d’actualité. ».

Au contraire, la partie « forum » du site rojadirecta.me correspond à la définition d’hébergeur « en ce qu’il se borne à répertorier des liens renvoyant à des vidéos de courte durée adressées par des internautes (résumés de matchs) ».

C’est ainsi que le Tribunal a jugé que :

« En conclusion, si techniquement “rojadirecta” se présente sous l’apparence d’un hébergeur, au-delà de cet aspect technique, dont relève accessoirement son “forum”, elle organise en fait sciemment, intentionnellement et à titre principal une sélection, un choix éditorial sur un thème précis, à savoir des compétitions sportives d’actualité dans des domaines ciblés mis à jour en permanence, avec un agenda horaire et un moteur de recherche adéquat, permettant à tout public d’accéder facilement et gratuitement à des contenus protégés réservés à un public restreint d’abonnés, à savoir des compétitions de la ligue en cours, en direct et en intégralité. ».

Newsletter

Souscrivez à notre newsletter pour être informé de nos actualités