DROIT D’AUTEUR – Protection d’une œuvre de street-art

Type

Veille juridique

Date de publication

7 décembre 2023

CA Paris, 5 juillet 2023, 21/11317. La Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt dans lequel elle a condamné M. Jean-Luc Mélenchon et son parti politique, La France insoumise (« LFI »), pour atteinte aux droits patrimoniaux et moraux du street-artiste COMBO.

A l’occasion de la campagne de l’élection présidentielle de 2017 et des élections municipales de 2020, des vidéos réalisées pour les campagnes de M. Mélenchon et de LFI et diffusées sur plusieurs supports (notamment sur les réseaux sociaux), reproduisaient sans l’autorisation préalable de l’artiste COMBO, ni mention de son nom, son œuvre « La Marianne asiatique » :

COMBO a fait assigner M. Mélenchon et LFI devant le Tribunal judiciaire de Paris, lequel a rejeté ses demandes fondées notamment sur l’atteinte au droit d’auteur.

Un appel a été interjeté par COMBO devant la Cour d’appel de Paris qui fait droit à l’ensemble de ses demandes.

S’agissant de la recevabilité des demandes dirigées contre M. Mélenchon, la Cour a considéré que M. Mélenchon était bien responsable des publications effectuées sur ses comptes officiels, peu importe qu’ils soient administrés par un tiers dans la mesure où il n’est pas démontré que ce dernier aurait agi en toute autonomie et en dehors de sa mission.

La Cour a ensuite apprécié les exceptions au droit d’auteur invoquées par M. Mélenchon et LFI pour écarter l’atteinte aux droits patrimoniaux de l’artiste.

S’agissant de l’exception de panorama, celle-ci a été rejeté par la Cour, cette exception étant prévue par l’article L.122-5-11° du Code de la propriété intellectuelle uniquement pour les « œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique ». La Cour a notamment retenu que « s’agissant d’une œuvre de “street art”, qui plus est constituée, comme en l’espèce, pour partie de papier collé, donc particulièrement soumise aux aléas extérieurs (dégradations volontaires, effacement par le propriétaire du support, altérations du fait des intempéries…), il ne peut être retenu qu’elle est “placée en permanence sur la voie publique” ».

En outre, l’examen des vidéos a fait apparaître que l’œuvre n’y figure pas de façon accessoire ou fortuite, comme un élément du paysage ou de l’espace public servant de décor au sujet ou à l’événement traité « mais qu’elle y a été intégrée délibérément, dans une recherche esthétique qui révèle l’intention du réalisateur d’en faire un élément important du clip et d’exploiter l’œuvre en l’associant au message politique diffusé ».

S’agissant de l’exception de courte citation prévue à l’article L.122-5-3° du Code de la propriété intellectuelle, celle-ci a également été écartée par la Cour qui a souligné que le nom de l’artiste ou la source de l’œuvre n’est cité à aucun moment dans les diffusions incriminées, contrairement à ce que requiert la loi.

En outre, l’utilisation de l’œuvre dans les vidéos incriminées ne porte que sur le visage de la Marianne asiatique, à l’exclusion de toute représentation du drapeau portant la devise « LIBERTE-EGALITE-HUMANITE » et du message apposé « NOUS VOULONS LA JUSTICE ». Selon la Cour, « il ne peut être considéré que cette utilisation, purement visuelle ou esthétique, sans contenu idéologique, serait justifiée par le caractère critique, polémique, pédagogique, ou informatif des vidéos concernées, consistant plutôt en un emprunt, sans nécessité évidente, à des fins d’illustration du discours politique de LFI ou de Jean-Luc MELENCHON ».

La Cour d’appel a en conséquence retenu que M. Mélenchon et LFI avaient bien porté atteinte aux droits patrimoniaux de l’auteur. Elle a également retenu plusieurs atteintes aux droits moraux de l’artiste :

  • L’atteinte à la paternité : la Cour a estimé le fait que le nom de l’auteur « COMBO » ait déjà été effacé et remplacé par celui de l’artiste STYX est insuffisant pour justifier l’absence de référence à l’artiste COMBO au moment de la diffusion des vidéos incriminées. Selon la Cour, M. Mélenchon et LFI « auraient dû rechercher l’auteur de l’œuvre afin d’obtenir son autorisation. Or il n’est pas démontré ni prétendu que la moindre recherche ait été effectuée ».
  • L’atteinte à l’intégrité physique de l’œuvre. : il est retenu que l’ajout non autorisé du signe LFI et de son intégration partielle non autorisée, dans un support audiovisuel avec un message sonore et un sous-titrage, « caractérisent une appropriation illégitime » par LFI et M. Mélenchon. La Cour a également relevé l’atteinte à l’intégrité de l’œuvre du fait de « l’ajout de branchages et d’un envol d’oiseaux en filigrane, cet ajout n’ayant pas été effectué directement sur l’œuvre créée par COMBO dans l’espace public, comme il arrive qu’une œuvre de “street art” fasse l’objet de modifications in situ nécessairement consenties par l’auteur compte tenu de la nature par essence évolutive d’une telle œuvre ».
  • L’atteinte à l’intégrité spirituelle de l’œuvre : la Cour a considéré que « même si l’utilisation (…) est dénuée de toute outrance ou polémique et s’inscrit dans la lignée de valeurs républicaines et citoyennes également revendiquées par COMBO (…), [l’œuvre] a été utilisée, sans son consentement, au soutien de l’action et des intérêts d’un parti et d’une personnalité politiques, ce qui était de nature à faire croire que l’auteur apportait son appui ou son concours ».

La Cour a donc condamné M. Mélenchon et LFI à verser à COMBO les sommes de :

  • 5000 € en réparation de son préjudice patrimonial ;
  • 15.000 € en réparation de son préjudice moral ;
  • 15.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Newsletter

Souscrivez à notre newsletter pour être informé de nos actualités