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Google Inc. et Google France condamnées pour abus de position dominante sur le marché de la cartographie en ligne
Droits des contrats - distribution - concurrence - consommation
10 février 2012
Leader incontestable du marché des moteurs de recherche en ligne, avec une part de marché évaluée par les « baromètres » à près de 89,1%, Google Inc. n’est pas à l’abri de condamnations pour abus de position dominante sur les marchés connexes. C’est notamment ce que vient de rappeler le Tribunal de Commerce de Paris, par un jugement en date du 31 janvier 2012, dans une affaire opposant la société Bottin Cartographes aux sociétés Google Inc. et Google France. Le Tribunal de Commerce de Paris condamne solidairement GoogleE Inc. et Gooble France au paiement de 500.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi par Bottin Cartographes du fait de l’abus de position dominante de Google.
Dans cette affaire, le tribunal de Commerce de Paris commence, classiquement, par définir le marché pertinent sur lequel devaient être évaluées les pratiques incriminées. Sur ce point, après avoir rappelé que la société Bottin Cartographes ainsi que la société Google Inc., par l’intermédiaire de son interface Google Map API, fournissaient des produits similaires et substituables entre eux, le Tribunal de commerce définit le marché pertinent comme celui de la « cartographie en ligne permettant la géolocalisation de points de vente sur les sites web des entreprises ». Le marché pertinent étant ciblé, restait au tribunal à déterminer si Google Inc. occupait une position dominante sur ce marché et si, par suite, elle exploitait abusivement cette domination.
Or, il est intéressant de noter sur ce premier point que le Tribunal de commerce de Paris déduit de la situation de quasi-monopole de la société Google Inc. sur le marché des moteurs de recherche en ligne, la position dominante de Google sur les marchés connexes, reprenant notamment le raisonnement suivi par la Cour de cassation en la matière. Celle-ci, dans un arrêt du 17 mars 2009, avait en effet déjà pu préciser qu’il devait exister un lien entre la position dominante et le comportement abusif, de sorte que si les pratiques étaient mises en œuvre sur un marché distinct elles ne pouvaient donner lieu à condamnation, sauf à démontrer la connexité des marchés considérés.
Cette connexité ne fait en l’espèce aucun doute pour le Tribunal de Commerce de Paris, considérant notamment que la position de Google sur le marché des moteurs de recherche « engendre une position également dominante sur les marchés connexes que sont ceux de la publicité et de la cartographie en ligne ;[…] Qu’il s’agisse de la publicité en ligne ou de la cartographie en ligne, ces secteurs présentent un lien de connexité évident avec le marché des moteurs de recherche ». Le Tribunal de Commerce de Paris transpose alors explicitement le raisonnement suivi par l’Autorité de la concurrence dans un avis en date du 14 décembre 2011 s’agissant de la connexité des marchés des moteurs de recherche et des liens sponsorisés.
Dés lors que la position dominante de Google était, au moins indirectement, établie sur le marché de la cartographie en ligne, demeurait la question de l’exploitation abusive de cette position, au regard de l’article L420-2 du code de commerce, et notamment, s’il pouvait être reproché à Google Inc. de pratiquer des « prix prédateurs » destinés à éliminer la concurrence sur le marché considéré.
Sur ce point, la pratique décisionnelle constante des autorités tant françaises que communautaires de la concurrence, considère l’intention prédatrice comme présumée dés lors que le prix de vente est inférieur à la moyenne des coûts variables. Or, dans cette affaire il est clairement établi que le service de géolocalisation de Google représente pour cette dernière un coût indéniable, notamment, comme le relève le tribunal en ce qu’ : « au coût d’acquisition des données brutes, s’ajoutent les frais exposés pour les besoins du traitement desdites données ». Dés lors, dans la mesure où le service proposé par Google Map demeure totalement gratuit, la stratégie de prédation semblait difficilement contestable au vu des critères traditionnels de la jurisprudence.
Le tribunal précise enfin que cette stratégie d’éviction s’inscrivait dans « une stratégie plus globale d’élimination destinée à optimiser la commercialisation de publicité ciblée ». Il semble ici qu’il soit fait référence, sans explicitement le mentionner, au critère de la récupération ultérieure des pertes, classiquement utilisé par le juge national, à la différence du juge communautaire, en matière de prix prédateur.
Au vu de ces différents éléments le tribunal considère les 4 conditions de l’abus de position dominante remplies et condamne solidairement la société Google Inc. et la société Google France à 500.000 euros de dommages et intérêts au profit de la société Bottin Cartographes, et à la publication de la décision dans les quotidiens Wall Street Journal, Herald Tribune, Le Monde, Le Figaro, La Tribune et Les Echos.