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Harcèlement moral : obligation de résultat de l’employeur
Droit social
5 mars 2012
En matière de harcèlement moral, l’employeur a à sa charge une obligation de résultat concernant la sécurité et la protection de la santé physique et mentale des travailleurs. Plusieurs décisions récentes viennent apporter des précisions utiles sur le contour de cette obligation.
1. L’employeur, garant de ses préposés et des tiers qui exercent une autorité de fait sur ses préposés
L’employeur est responsable de ses propres faits, mais aussi des agissements des tiers qui exercent une autorité de fait sur ses préposés (Cass. soc. 19 oct. 2011 n° 09-68.272), comme des faits de ses préposés, à savoir « des personnes qui exercent, de fait ou de droit une autorité sur les salariés » (Cass. soc. 19 oct. 2011 n° 09-68.272). Il peut s’agir du harcèlement d’un salarié par un de ses supérieurs ou par un autre salarié de même niveau hiérarchique, ou encore du harcèlement d’un salarié sur son supérieur hiérarchique (Cass. crim. 6 déc. 2011 n° 10-82266).
2. La preuve du harcèlement moral
« La charge de la preuve ne pèse pas sur le salarié » (Cass. soc. 15 nov. 2011, n°10-10.687). Celui-ci doit seulement établir la matérialité de faits précis et concordants qui permettent de présumer l’existence du harcèlement dont il s’estime victime. La jurisprudence, va même plus loin puisque « la simple « possibilité » de [la] dégradation [des conditions de travail] suffit à consommer le délit de harcèlement moral » (Cass. crim, 6 déc. 2011 n° 10-82266).
Le salarié n’a donc pas à démontrer que les agissements imputés à l’auteur du harcèlement avaient pour unique but de le harceler, ni à produire les éléments objectifs permettant de conclure que l’auteur a agi intentionnellement pour lui nuire (Cass soc., 15 nov. 2011, n°10-10.687). La Cour réaffirme ainsi sa position selon laquelle le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur (Cass soc., 15 nov. 2011, n°10-30.463).
Il appartiendra ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement. Toutefois, au vu de la jurisprudence, force est de constater que l’employeur sera responsable de plein droit en vertu de son obligation de sécurité de résultat, quand bien même il aurait pris des mesures pour mettre fin au harcèlement (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-70.902). Seule la démonstration d’une cause étrangère ayant le caractère de la force majeure pourra l’exonérer de toute responsabilité, l’absence de faute de l’employeur ne suffisant pas.
En conclusion, en pratique, une fois l’accusation de harcèlement moral portée, il est bien souvent trop tard pour l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité. Cette jurisprudence doit donc conduire l’employeur à changer ses pratiques en privilégiant les mesures préventives par rapport aux mesures défensives. Le document unique de sécurité aura à cet égard indéniablement un rôle à jouer, et pourra être utilisé dans le cadre d’un procès.
3. Le cas du salarié protégé
Selon l’article L. 1152-3 du Code du travail toute rupture du contrat de travail qui résulterait d’un harcèlement moral est nulle de plein droit. La Cour a eu à appliquer cette règle à un salarié protégé dont le licenciement avait été autorisé par l’autorité administrative. Elle affirme que « si l’autorisation de licenciement accordée par l’Autorité administrative ne permet plus au salarié de demander au juge prud’homal l’annulation de son licenciement en raison d’un harcèlement, elle ne le prive pas du droit de demander réparation du préjudice qui est résulté du harcèlement moral » (Cass soc., 15 nov. 2011, n°10-30.463).
4. Mauvaise foi du salarié
Conformément aux articles L. 1152-2 et L 1152-3 du Code du travail, la Cour rappelle le principe selon lequel le salarié qui dénonce des actes supposés de harcèlement moral est protégé sauf mauvaise foi de sa part (Cass. soc., 19 oct. 2011 n°10-16.444). La mauvaise foi est entendue strictement par la Cour de Cassation et « ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce » (Cass. soc., 7 fév. 2012, n° 10-18035). L’employeur ne peut pas prononcer de sanctions à l’encontre du salarié de bonne foi, et s’il le faisait, ces sanctions seraient frappées de nullité.