INFLUENCEURS – NOUVELLES OBLIGATIONS A LA SUITE DE LA PUBLICATION DE L’ORDONNANCE DU 6 NOVEMBRE 2024

Type

Veille juridique

Date de publication

16 décembre 2024

Le 6 novembre 2024, l’ordonnance n°2024-978 (l’Ordonnance) est venue modifier la loi n°2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (Loi Influenceurs).

Cette loi[1] avait pour objectif de lutter contre certaines dérives de l’influence commerciale sur les réseaux sociaux et de mieux encadrer les pratiques en mettant en place un cadre légal plus strict.

A la suite de son entrée en vigueur, la Commission européenne a adressé à la France, le 14 août 2023, une lettre d’observations faisant état de plusieurs violations de la Réglementation européenne du fait de ce texte.

Celle-ci identifiait plusieurs incompatibilités manifestes avec le droit de l’Union européenne.

L’Ordonnance commentée vient ainsi clarifier certains points et se conformer aux observations de la Commission.

1. Le maintien de la définition de l’influence commerciale

La Loi Influenceurs retient que toute personne ou entité qui « à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public par voie électronique des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque »  est reconnue comme exerçant une activité d’influence commerciale par voie électronique.

Cette définition s’applique tant aux personnes physiques que morales.

2. Restriction du champ d’application territorial de la Loi Influenceurs

La loi Influenceurs avait vocation à s’appliquer à tous les influenceurs visant un public établi sur le territoire français, quel que soit leur lieu de résidence et sans opérer de distinction au sein des Etats membres de l’Espace économique européen (EEE).

La Commission européenne a contesté cette approche en estimant que les influenceurs devaient être soumis aux directives dites « e-commerce » et « SMA »[2], lesquelles prévoient que la loi applicable est celle de l’Etat membre dans lequel ils sont établis (principe du pays d’origine).

L’Ordonnance vient alors se conformer à l’interprétation de la Commission et restreint lechamp d’application territoriale de la Loi Influenceurs en indiquant que plusieurs de ses dispositions ne s’appliquent pas aux influenceurs établis dans un pays membre de l’EEE autre que la France[3], sous réserve des exceptions prévues par ces directives. A titre d’exemple, la Loi Influenceurs ne serait donc pas applicable à un influenceur établi en Allemagne, quand bien même il s’adresserait au public français.   

  

3. Précisions apportées sur la promotion de certains produits et services dans le secteur de la santé

L’Ordonnance vient notamment préciser que l’interdiction de promotion des actes et méthodes à visée esthétiques s’applique uniquement pour ceux « pouvant présenter des risques pour la santé des personnes » (Art. 1.II de l’Ordonnance), revenant ainsi sur l’interdiction générale prévue initialement.

L’objectif est ici de se conformer à l’obligation de proportionnalité prévue par la directive « e-commerce »[4].

4. L’assouplissement des mentions obligatoires pour les images modifiées ou générées par Intelligence Artificielle (IA)

L’Ordonnance confirme l’obligation d’apposer les mentions « Images retouchées » et « Images virtuelles » pour les visuels ayant été respectivement modifiés ou générés par IA et qui représentent une silhouette ou un visage.

Elle vient cependant assouplir cette exigence en permettant que cette mention soit remplacée « par une mention équivalente adaptée aux caractéristiques de l’activité d’influence et format du support de communication utilisé ».

L’objectif est là encore de respecter le principe de proportionnalité et « d’assurer la pérennité de la disposition, dans le cadre d’une évolution rapide de la technologie et des normes juridiques en la matière (règlement européen IA notamment) ».

5. L’assouplissement de l’appréciation de l’intention commerciale en tant que pratique commerciale trompeuse

L’Ordonnance confirme que l’absence d’indication de l’intention commerciale par un influenceur constitue une pratique commerciale trompeuse par omission au sens de l’article L. 121-3 du code de la consommation, mais uniquement lorsque cette intention « ne ressort pas déjà du contexte »[5], relativisant dès lors cette obligation.

L’intention commerciale peut-être indiquée par le recours aux mentions « publicité » ou « collaboration commerciale » qui doivent être « claires, lisibles et compréhensibles ».

A l’instar de l’assouplissement pour les images modifiées ou générées par IA, cette mention peut être remplacée par « une mention équivalente adaptée aux caractéristiques de l’activité d’influence et au format du support de communication utilisé ».

* * *

Le projet d’Ordonnance a d’ores et déjà été notifié à la Commission européenne le 3 juillet 2024 et n’a fait l’objet d’aucune observation.

La publication de l’Ordonnance au bulletin officiel a eu lieu le 6 novembre 2024 et elle est entrée en vigueur le lendemain.

Un projet de loi de ratification doit désormais être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois suivant la publication de l’Ordonnance[6], soit avant le 7 février 2025. A défaut, elle deviendra automatiquement caduque.


[1] Voir notre précédent Focus IP : Influenceurs – Analyse de la réglementation applicable et de la proposition de loi visant à encadrer leur activité par JP Karsenty

[2] Voir Directive 2000/31/CE dite « e-commerce » Directive 2018/1808 modifiant la directive 2010/13/UE sur les services de médias audiovisuels (« SMA »).

[3] Voir l’article 5-1, II de l’Ordonnance 

[4] Voir le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2024-978 du 6 novembre 2024

[5] Voir art. 5-2 de l’Ordonnance.

[6] Voir article 3 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024.

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