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La Cour de Justice de l’union Européenne se prononce sur l’exclusion des formes fonctionnelles par le droit des dessins et modèles et sur le caractère ou non pertinent du critère de la multiplicité des formes : CJUE 8 mars 2018 C-395/16
Propriété intellectuelle / Nouvelles technologies / Communication
15 mars 2018
La question préjudicielle posée à la Cour de Justice, ayant donné lieu à un arrêt du 8 mars 2018 particulièrement attendu, porte sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires qui dispose qu’un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique.
Il s’agit du principe de l’exclusion des formes fonctionnelles par le droit des dessins et modèles (qui existe également en droit des marques) qui vise à poser la frontière entre les formes dont la protection peut être recherchée sur le fondement du droit des brevets et celles dont la protection n’est assurée qu’au titre de l’apparence visuelle.
La Cour de justice a donc été interrogée sur le point de savoir si pour apprécier si des caractéristiques de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, l’existence de dessins ou modèles alternatifs constitue ou non un critère déterminant.
Comme l’avait relevé la juridiction allemande à l’origine de la question posée, des approches divergentes ont pu être identifiées en jurisprudence comme en doctrine quant à cette question.
Une partie de celles-ci considère que le critère d’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 réside dans l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant d’assurer la même fonction technique. Selon la thèse contraire, ladite disposition serait applicable lorsque les différentes caractéristiques de l’apparence du produit sont déterminées uniquement par la nécessité de développer une solution technique et que les considérations esthétiques n’ont aucune importance.
La Cour de justice interrogée pour la première fois sur cette question, tranche dans son arrêt du 8 mars 2018 en faveur de la seconde approche en apportant la réponse suivante :
« L’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires doit être interprété en ce sens que, pour apprécier si des caractéristiques de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, il y a lieu d’établir que cette fonction est le seul facteur ayant déterminé ces caractéristiques, l’existence de dessins ou modèles alternatifs n’étant pas déterminante à cet égard. »
Cette solution a été dictée par l’objectif poursuivi par le règlement. En effet La Cour de Justice relève que l’exclusion des formes fonctionnelles par le droit des dessins et modèles vise à empêcher que l’innovation technologique soit entravée au moyen de la protection des caractéristiques de l’apparence imposées exclusivement par la fonction technique d’un produit. (Point 29 de la décision).
Or, comme l’a souligné M. l’avocat général « si la seule existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser la même fonction que celle du produit concerné était suffisante pour écarter l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, il ne pourrait être exclu qu’un opérateur économique fasse enregistrer, en tant que dessin ou modèle communautaire, plusieurs formes concevables d’un produit incorporant des caractéristiques de l’apparence de celui-ci qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique. Cela permettrait à un tel opérateur de bénéficier, à l’égard d’un tel produit, d’une protection en pratique exclusive et équivalente à celle offerte par un brevet, sans être soumis aux conditions qui sont applicables à l’obtention de ce dernier, et serait de nature à empêcher les concurrents d’offrir un produit incorporant certaines caractéristiques fonctionnelles ou limiterait les solutions techniques possibles et priverait ainsi ledit article 8, paragraphe 1, de son effet utile » (Point 30).
C’est ainsi que la Cour en conclut que l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 exclut de la protection au titre du droit des dessins ou modèles communautaires les caractéristiques de l’apparence d’un produit lorsque des considérations d’une autre nature que la nécessité pour ledit produit de remplir sa fonction technique, en particulier celles liées à l’aspect visuel, n’ont joué aucun rôle lors du choix desdites caractéristiques, et ce, même s’il existe d’autres dessins ou modèles permettant d’assurer cette même fonction.