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L’instauration de l’action de groupe
Droits des contrats - distribution - concurrence - consommation
4 juillet 2014
Réclamée depuis plus de trente ans par les associations de consommateurs, l’action de groupe est enfin introduite en France.
Cette nouvelle procédure permet de regrouper en une seule action les demandes de réparation émanant de victimes de pratiques illicites ou abusives d’un même professionnel, se trouvant dans des situations de fait et de droit identiques ou très largement similaires.
Afin d’éviter les dérives des class actions américaines, le législateur a voulu encadrer de manière stricte l’action de groupe à la française.
1. Un champ d’application restreint
L’action de groupe ne s’applique qu’aux litiges liés au droit de la consommation et au droit de la concurrence (cf. Point 6), ce qui exclu les contentieux boursiers, environnementaux et ceux relatifs à la santé. Sont notamment concernés par l’action de groupe les clauses abusives ou encore les tromperies sur les biens et les services.
Le champ d’application de l’action de groupe est restreint au consommateur, défini dans l’article préliminaire « comme toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».
L’action de groupe ne pourra être initiée que pour obtenir l’indemnisation d’un préjudice matériel, à l’exclusion des dommages corporels et du préjudice moral.
2. Seules les associations de consommateurs nationales et agréées peuvent exercer l’action de groupe
Seules ces associations peuvent exercer l’action de groupe, cette dernière n’ayant pas été ouverte aux particuliers ni aux associations « ad hoc » (article L.411-1 du code de la consommation).
En pratique, ces associations agréées auront pour mission d’examiner le bien-fondé des demandes d’indemnisation endossant ainsi un rôle de « filtre » à l’égard des victimes n’ayant pas qualité pour agir. Ce sont elles qui jugeront de l’opportunité d’intenter une telle action en fonction du nombre de victimes potentiellement concernées.
Bien que par principe les avocats ne puissent pas initier l’action de groupe, ils ne sont pas totalement exclus de la procédure puisque l’association devra être représentée au tribunal de grande instance, et la complexité de la procédure imposera l’intervention d’un professionnel du droit.
3. Les différentes étapes de l’action de groupe
Les tribunaux de grande instance connaîtront des actions de groupe.
La procédure de l’action de groupe se déroule en deux phases :
La phase 1 : le jugement sur la responsabilisé du professionnel devant la juridiction civile
Le juge saisi de l’action de groupe devra dans le même jugement :
– statuer sur la responsabilité du professionnel ;
– définir le groupe des consommateurs et déterminer les critères à partir desquels les consommateurs seront susceptibles de demander réparation ;
– déterminer les préjudices devant être réparés pour chaque consommateur ou chaque catégorie de consommateurs composant le groupe ;
– fixer le montant de l’indemnisation ou les modalités de calcul de celui-ci ;
– ordonner les mesures de publicité de la décision dès lors que les délais de recours contre la décision statuant sur la responsabilité du professionnel seront expirés. Ces mesures de publicité, mises à la charge du professionnel condamné (article L.423-4 du code de la consommation), permettent aux consommateurs lésés qui satisferont les conditions requises pour rejoindre le groupe, de se joindre à l’action de groupe ;
– fixer le délai dont disposeront les consommateurs pour adhérer au groupe ainsi que les modalités de cette adhésion. Ce délai ne peut être inférieur à 2 mois ni supérieur à 6 mois (article L.423-5 du code de la
consommation).
– désigner l’interlocuteur des consommateurs pour la réparation de leur préjudice ;
– indiquer le délai dans lequel le professionnel devra procéder à l’indemnisation (article L.423-7 du code de la consommation).
Lorsqu’il statuera sur la responsabilité du professionnel, le juge pourra condamner ce dernier au paiement d’une provision qui couvrira les frais non compris dans les dépens, tels que les frais de gestion des dossiers ou encore les frais d’avocat (article L.423-8 al 1 du code de la consommation).
Il peut également ordonner, s’il l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d’une partie des sommes dues par le professionnel (article L.423-8 al 2 du code de la consommation).
La phase 2 : l’adhésion au groupe et l’indemnisation
Les consommateurs dont le préjudice est susceptible d’être réparé dans le cadre de l’action de groupe, choisissent ou non, une fois informés du jugement retenant la responsabilité du professionnel, de se joindre à l’action (système d’ « opt-in »).
L’adhésion au groupe vaut mandat aux fins d’indemnisation donné au profit de l’association mais n’implique pas que le consommateur adhère à cette association (article L.423-5 al 3 et 4 du code de la consommation).
Le jugement rendu sur la responsabilité du professionnel aura autorité de la chose jugée à l’égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure (article L.423-21 du code de la consommation).
Il convient de souligner que les consommateurs qui n’ont pas adhéré au groupe conservent la possibilité d’agir à titre individuel selon les voies de droit commun.
Les membres du groupe ont également la possibilité d’agir selon les voies de droit commun pour obtenir réparation de leurs préjudices ne rentrant pas dans le champ d’application de l’action de groupe (article L.423-22 du code de la consommation).
Notons en outre que l’action de groupe suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant des manquements constatés par le jugement jusqu’à ce que ce dernier ne soit plus susceptible de recours ou de pourvoi en cassation ( article L.423-20 du code de la consommation).
Le professionnel devra procéder à l’indemnisation individuelle des préjudices subis par chaque consommateur, dans les conditions, limites et délais fixés par le jugement (article L.423-11 du code de la consommation).
Toutes les sommes reçues par l’association devront être consignées auprès de la Caisse des dépôts et consignations (article L.423-6 du code de la consommation).
Il est à noter qu’en cas difficulté de mise en œuvre du jugement, il revient au juge qui a statué sur la responsabilité du professionnel de les trancher. Il devra se prononcer dans un même jugement sur toutes les demandes d’indemnisations auxquelles le professionnel n’a pas fait droit.
4. La procédure d’action de groupe simplifiée
Le législateur a mis en place une procédure simplifiée regroupant les phases 1 et 2, lorsque d’une part l’identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus, et d’autre part lorsque ces consommateurs ont subi un préjudice d’un montant identique par prestation rendue ou d’un mondant identique par référence à une période ou à une durée.
5. La procédure alternative de médiation
L’existence d’une action de groupe n’exclut pas tout recours à la médiation entre l’association requérante et le professionnel incriminé en vue d’un accord indemnitaire (article L.423-15 du code de la consommation).
Cet accord négocié au nom du groupe devra être soumis à l’homologation du juge, qui vérifiera s’il est conforme aux intérêts des membres du groupe et lui donnera force exécutoire. Cet accord devra préciser les mesures de publicité nécessaires pour informer les consommateurs concernés de la possibilité d’adhérer ainsi que les délais et modalités de cette adhésion (article L.423-6 du code de la consommation).
Le jugement d’homologation a autorité de la chose jugée à l’égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure (article L.423-21 du code de la consommation).
6. L’action de groupe dans le domaine du droit de la concurrence
Aux termes de la loi HAMON, des actions de groupe pourront être introduites afin d’obtenir la réparation de préjudices découlant des atteintes au droit de la concurrence français et communautaire, tels que les préjudices nés d’ententes tarifaires ou d’abus de position dominante.
Toutefois, bien que l’action de groupe puisse se rapporter à des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi, cette action ne pourra être engagée devant le juge que sur le fondement d’une décision de condamnation devenue définitive (non-susceptible de recours) postérieurement à la date de promulgation de la loi (procédure de « follow-on »).
La loi précise également que l’action de groupe ne pourra être intentée au-delà d’un délai de 5 ans à compter de la date à laquelle la décision constatant la violation des règles de concurrence n’est plus susceptible de recours (article L.423-18 du code de la consommation).