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Marché pertinent dans le secteur de la vente évènementielle
Droits des contrats - distribution - concurrence - consommation
5 avril 2018
La vente évènementielle de déstockage en ligne constitue-t-elle un marché pertinent susceptible d’entraîner la poursuite de Vente-privée.com pour abus de position dominante pour des comportements observés entre 2005 et 2011 ? C’est sur cette question que se sont penchés les juges de la Cour de cassation à l’occasion d’un arrêt rendu le 6 décembre 2017 (n°16-18.835) entre les sociétés Brandalley.fr et Vente-privée.com.
Pour rappel, ce litige, opposant deux géants de la vente évènementielle de déstockage en ligne, a commencé en 2009 lorsque la société BrandAlley.fr (« BrandAlley.fr ») a saisi l’Autorité de la concurrence (« l’Autorité ») afin de poursuivre la société Vente-privée.com (« Vente-privée.com ») pour abus de position dominante en raison de comportements commis par cette dernière dans le secteur du déstockage entre 2005 et 2011.
Dans une décision rendue le 28 novembre 2014 (14-D-18), l’Autorité avait rejeté la demande de BrandAlley.fr tendant à poursuivre pour abus de position dominante Vente-privée.com, l’Autorité n’ayant pas été en mesure de déterminer un marché pertinent de la vente évènementielle en ligne entre 2005 et 2011.
BrandAlley.fr avait saisi la Cour d’Appel de Paris afin de voir annuler la décision de l’Autorité. Sa demande est restée vaine puisque les juges du fond ont approuvé, dans un arrêt rendu le 12 mai 2016, le rejet de l’action pour abus de position dominante intentée contre Vente-privée.com.
Un pourvoi en cassation est finalement formé par BrandAlley.fr, et l’arrêt de la Cour de cassation rendu dans ce litige confirme l’arrêt de la Cour d’appel : il ne peut y avoir d’action intentée pour abus de position dominante à l’encontre Vente-privée.com.
A l’origine du litige se trouvent en réalité certaines clauses d’exclusivité et de non-concurrence, insérées au sein de différents contrats liant les fournisseurs à Vente-privée.com. En effet, les relations commerciales sont organisées par différents modèles (contrat classique, contrat privilège etc.). Selon BrandAlley ces clauses sont anticoncurrentielles compte tenu de la puissance de marché de Vente-privée.com.
Le contrat classique de commercialisation prévoit une clause d’exclusivité aux termes de laquelle le fournisseur s’engage à ne pas vendre ses produits à d’autres sites Internet de ventes évènementielles pendant une certaine durée. Par ailleurs, le contrat « Privilège » offre un partenariat commercial particulièrement étroit avec le fournisseur qui bénéficie d’avantages particuliers en contrepartie desquels Vente-privée.com instaure un engagement d’exclusivité et de non-concurrence à la charge du fournisseur. Cet engagement prévoit qu’au « titre des avantages privilèges, Vente-privée.com reconnaît toutefois et accepte qu’à tout moment le Fournisseur puisse mettre fin au présent Contrat sous réserve que le Fournisseur s’engage à ne pas proposer à la vente ses produits sur un site concurrent au Site de Vente-privée.com, et ce pendant une durée de neuf (9) mois à compter de la résiliation ».
Sur ces points, BrandAlley.fr considère que Vente-privée.com se rend coupable d’un abus de position dominante.
Avant d’établir l’existence d’un abus de position dominante, il est indispensable de déterminer l’existence (et les limites, le cas échéant) d’une éventuelle position dominante, et donc du marché pertinent concerné. Pour rappel, le marché pertinent permet de définir le périmètre à l’intérieur duquel peut être observé un pouvoir de marché et ainsi à l’intérieur duquel peuvent être décelées les éventuelles difficultés de concurrence. Sans marché pertinent, pas de position dominante, et encore moins d’abus d’une telle position !
Aussi, pour déterminer le marché pertinent, il doit être tenu compte, en priorité, des conditions de concurrence, de la structure du marché ainsi que de la substituabilité des produits entre eux. Des études de comportements sont ensuite menées auprès des consommateurs. Sur ces différents points, la cour de cassation retient que les évolutions très importantes du secteur depuis une dizaine d’années ont considérablement affecté les comportements d’achat des consommateurs de sorte qu’il n’est « plus possible d’identifier et de porter une appréciation rétrospective sur les comportements passés ».
S’agissant plus particulièrement de la substituabilité des produits des concurrents entre eux, la cour de cassation se livre à une analyse subtile des éléments dont elle dispose afin de poursuivre son étude et ainsi de déterminer si les concurrents se positionnent effectivement sur le même marché. En l’espèce, la Cour de cassation considère que la substituabilité entre les produits vendus sur les différents sites internet ne peut être établie. Sa position est justifiée par le fait que certaines caractéristiques de la vente de déstockage (niveau « attractif des prix, confidentialité de la vente, positionnement haut de gamme etc.) se retrouvent également dans les autres canaux de distribution (notamment physiques) de produits invendus. D’autre part, l’absence de substituabilité avec les autres canaux de distribution ne peut pas être démontrée de sorte qu’il n’existe pas un marché propre de la vente évènementielle de déstockage en ligne.
Dès lors, il n’existe pas de marché pertinent de la vente évènementielle de déstockage entre 2005 et 2011.
Aussi on comprend que la délimitation du marché pertinent relève d’une analyse très circonstanciée qui peut évoluer au cours des années et des pratiques étudiées. C’est évidemment le cas de la vente en ligne, secteur en perpétuelle évolution depuis une dizaine d’années.