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Réseau de distribution sélective et publicité trompeuse
Veille juridique
31 janvier 2023
Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 octobre 2022, 22-18.301
En matière de distribution, le contrôle exercé par les fournisseurs sur les modes et conditions de commercialisation de leurs produits par les distributeurs représente un enjeu central. Cet enjeu est d’autant plus important en matière de distribution sélective, où l’image de marque des produits et leur nécessaire protection exigent et justifient un contrôle plus strict.
En ce sens, l’action pour pratiques commerciales trompeuses, anciennement prévue à l’article 121-1 du Code de la consommation et désormais codifiée à l’article L. 121-2 du même code, peut constituer un moyen d’action pertinent en ce qu’elle permet à une société d’agir contre un acte trompeur quand bien même celui-ci ne serait pas perpétré par une société concurrente.
En effet, il est des situations où des acteurs extérieurs à un réseau, voire parfois même au marché concerné, peuvent causer une atteinte à une image. Tel était le cas dans la présente décision, dans laquelle la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la possibilité pour le promoteur d’un réseau de distribution sélective d’agir en publicité trompeuse contre une société ayant fait la publicité d’un site commercialisant illicitement ses produits.
Les faits remontent à février 2010 : la chaîne France Télévisions avait fait la présentation d’un site proposant à la vente divers parfums au cours de ses émissions « Télé matin » et « C’est au programme ». Or, certains des produits vendus par ce site relevaient du réseau de distribution sélective de la société Coty, notamment détentrice de licences pour des produits de luxe des marques Calvin Klein, Davidoff ou Chloé.
La société Coty n’ayant donné aucun agrément à la société détentrice du site aux fins de cette commercialisation, elle l’assigna en justice pour parasitisme, concurrence déloyale et publicité trompeuse en invoquant également la responsabilité solidaire de la société France Télévisions pour ce dernier chef.
Dans un arrêt sur renvoi après cassation du 9 juin 2021, la Chambre 5-4 de la Cour d’appel de Paris jugea le réseau de la société licite et conclut à une violation de l’interdiction de revente hors réseau (sur le fondement de l’ancien article 442-6, I, 6°), ainsi qu’à la caractérisation d’un acte de concurrence déloyal et de parasitisme par la société propriétaire du site.
Outre la responsabilité de la société propriétaire, la Cour décida de retenir la responsabilité solidaire de la société France Télévisions pour avoir indirectement participé à l’atteinte porté au réseau en faisant la promotion du site en cause et s’être livrée à des pratiques commerciales trompeuses au travers d’actes de publicité mensongère. Elle sanctionna ainsi la société pour avoir fait croire à la possibilité d’acquérir légalement des produits par l’intermédiaire du site internet alors même que lesdits produits étaient revendus illicitement, et ce peu important que la publicité ne présente pas de caractère commercial et n’ait pas été diffusée à des fins lucratives.
Pour rappel, qualifier une pratique commerciale trompeuse exige de démontrer que l’acte concerné cause une confusion avec un autre bien, service ou marque commerciale, ou qu’il repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les caractéristiques essentielles d’un produit. S’agissant d’une entreprise autre que le vendeur des produits promus, cette sanction peut être applicable à condition qu’elle agisse au nom ou pour le compte de cette dernière (CJUE, 17 octobre 2013, Aff. nº C-391/12).
Par conséquent, une société se livrant à une activité de journalisme telle que France Télévisions pourrait voir sa responsabilité engagée dans le cas où elle porterait atteinte de manière avérée à une marque et qu’elle en tirerait bénéfice ou s’y livrerait au profit d’une société lui étant liée.
Or, au cas présent, la société France Télévisions n’entretenait aucun lien commercial avec le propriétaire du site, et ne tirait aucun profit direct de la publicité réalisée. La Cour d’appel de Paris avait donc adopté une approche extensive en considérant que la diffusion du site laissant penser de manière erronée au consommateur qu’il pouvait licitement acquérir des produits des marques visées, elle constituait une pratique commerciale trompeuse même en l’absence de finalité lucrative.
A l’issue d’un pourvoi formé par la société France Télévisions, la Cour de cassation annula partiellement cet arrêt pour avoir retenu la nature commerciale du message diffusé lors de l’émission sans démontrer en quoi il présentait un caractère promotionnel plutôt qu’informatif.
Également, la décision est censurée pour avoir conclu à l’existence d’une pratique commerciale trompeuse sans démontrer en quoi le contenu des propos tenus par le présentateur des émissions pouvait prêter à confusion, présentait des indications fausses ou était de nature à induire en erreur sur les caractéristiques essentielles des produits.
Ainsi, le juge suprême confirme la possibilité d’engager la responsabilité de l’auteur d’un acte de publicité relatif à une société pratiquant la revente hors-réseau. Toutefois, cette action ne peut être autorisée sur la seule base de l’illicéité de la revente des produits en cause et reste conditionnée au fait que les conditions prévues en matière de publicité trompeuse soient également remplies s’agissant de l’acte de publicité en lui-même.