Revente hors réseau par des sites en ligne étrangers et compétence juridictionnelle

Type

Droits des contrats - distribution - concurrence - consommation

Date de publication

1 juin 2017

Par un arrêt en date du 21 décembre 2016, C-618/15, Concurrence c. SAS Samsung Electronics France et Amazon Services Europe SARL, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a eu à se prononcer une nouvelle fois sur l’interprétation de l’article 5-3 du règlement n° 44/2001, dit « Bruxelles I », en matière de distribution sélective.

Pour mémoire, l’article 5-3 du règlement Bruxelles I pose le principe d’une compétence spéciale en matière délictuelle et quasi-délictuelle, en disposant qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.

En l’espèce, une société française spécialisée dans la distribution de produits électroniques avait conclu avec la société Samsung un contrat de distribution sélective portant sur des produits haut de gamme. L’accord prévoyait notamment une interdiction de vendre ces produits via un site Internet.

Après avoir constaté la violation de l’interdiction de vente en ligne, la société Samsung avait mis fin au contrat. En réponse, le distributeur avait alors assigné la société Samsung au motif que la clause interdisant de vendre sur Internet était appliquée de manière discriminatoire. En effet, des distributeurs appartenant au réseau, et situés dans d’autres Etats membres, vendaient les produits en cause sur la plate-forme en ligne Amazon.

Le distributeur avait également assigné la société Amazon Services Europe afin que celle-ci retire les produits en cause de ses sites Internet. C’est cette action qui nous intéresse ici.

Après que le juge des référé et la Cour d’appel se sont successivement déclarés incompétents, au motif que les sites Internet Amazon.de, Amazon.co.uk, Amazon.it et Amazon.es ne visaient pas le public français, la Cour de cassation saisie de l’affaire a transmis une question préjudicielle à la CJUE.

La Haute juridiction française s’interrogeait sur le fait de savoir si l’article 5-3 du règlement Bruxelles I devait être interprété en ce sens que « en cas de violation alléguée d’interdictions de revente hors d’un réseau de distribution sélective et via une place de marché, au moyen d’offres de vente mises en ligne sur plusieurs sites exploités dans différents États membres, le distributeur agréé s’estimant lésé a la faculté d’introduire une action en cessation du trouble illicite qui en résulte devant la juridiction sur le territoire duquel les contenus mis en ligne sont accessibles ou l’ont été, ou faut-il qu’un autre lien de rattachement soit caractérisé ? ».

Afin de répondre à cette question, la CJUE commence par rappeler qu’une juridiction d’un Etat membre n’est compétente, au sens de l’article 5-3, qu’à la condition que le droit dont la violation est alléguée soit protégé dans cet Etat membre (CJUE, 22 janv. 2015, Hejduk, C-441/13). Si tel est le cas, la juridiction ne sera alors compétente que pour connaître du seul dommage survenu sur le territoire dudit Etat membre (CJUE, 3 oct. 2013, Pinckney, C-170/12).

La CJUE constate ensuite que « la violation de l’interdiction de revente hors réseau est sanctionnée par le droit [français], si bien qu’il existe un lien naturel entre cette juridiction et le litige au principal ». La Cour poursuit en énonçant que le dommage allégué par le distributeur est bien matérialisé en France, car l’activité des sites Internet opérant dans d’autres Etats membres, même s’ils ne visaient pas les consommateurs français, était de nature à causer un préjudice au distributeur français en réduisant le volume de ses ventes.

En conséquence, la compétence des juridictions françaises était établie en l’espèce

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