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Sur l’application de la prescription à une action en nullité de marque : la saga Cheval Blanc
Propriété intellectuelle / Nouvelles technologies / Communication
9 février 2018
La Cour de cassation a été amenée à prendre position dans le cadre du combat mené par le célèbre Château Cheval Blanc, marque viticole de renommée mondiale (Cour de cassation, ch. com. 8 juin 2017, n°15-21.357).
La société Cheval Blanc, titulaire de la marque semi-figurative « CHEVAL BLANC » déposée le 9 juin 1933 et régulièrement renouvelée depuis pour désigner des vins, avait assigné en 2008 le dirigeant de la société Chaussié (société exploitant également un domaine viticole) ainsi que cette société, en nullité du dépôt par cette société de la marque verbale « DOMAINE DU CHEVAL BLANC » (déposée le 18 juillet 1973) et de la marque figurative représentant une tête de cheval harnachée (déposée le 24 janvier 2003) pour désigner des vins d’appellation d’origine provenant de l’exploitation exactement dénommée « Domaine du Cheval blanc ».
Pour solliciter la nullité de ces dépôts, la société Cheval Blanc invoquait la déceptivité des deux marques. Elle invoquait en outre, à titre subsidiaire, la contrefaçon par imitation de sa marque.
L’action en nullité était fondée sur l’article L.711-3 c) du code de la propriété intellectuelle selon lequel : « Ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe : (…) c) De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ».
La déceptivité était invoquée par la société Cheval Blanc au motif que l’utilisation de la marque « DOMAINE DU CHEVAL BLANC » est de nature à tromper le consommateur crée un risque de confusion avec son grand cru classé « Cheval Blanc ».
La société Cheval Blanc soutenait ainsi qu’un signe qui est intrinsèquement de nature à tromper le public sur les caractéristiques d’un produit ou d’un service ne peut bénéficier de la protection du droit des marques ; que le vice de déceptivité ne peut être purgé ni par le temps ni par l’usage ; qu’il s’en déduit que ce vice doit pouvoir être invoqué par les tiers, à tout moment, tant que le titulaire de la marque maintient son enregistrement en vigueur.
Elle soutenait également que le délai de prescription ne peut courir à compter du simple dépôt du signe, lequel ne serait aucunement de nature à porter à la connaissance des tiers l’existence de la marque.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de la société Cheval Blanc et confirme que l’action principale en nullité d’une marque est prescriptible, et en l’espèce prescrite, par une motivation claire :
« le fait que le vice de déceptivité, dont une marque est entachée, ne puisse être purgé ni par l’usage ni par le temps n’est pas de nature à rendre imprescriptible l’action, par voie principale, en nullité de la marque fondée sur ce vice et n’a pas pour effet de suspendre le délai de prescription tant que la marque demeure inscrite au registre national des marques ».
En l’espèce, l’action en nullité avait été introduite le 11 avril 2008, soit antérieurement à la réforme sur la prescription de 2008. L’action en nullité de marque était donc soumise à la prescription trentenaire du droit commun de l’époque. Or, cette prescription était acquise le 18 juillet 2003 puisque la marque incriminée « DOMAINE DU CHEVAL BLANC » avait été déposée le 18 juillet 1973.
Il convient de souligner que la Cour de cassation a ainsi fait application de l’ancienne prescription de droit commun, à savoir l’article 2262 du code civil, dont le libellé était plus large que celui de l’article 2224 issu de la réforme de 2008.
Il reste donc possible de s’interroger sur l’applicabilité de l’actuel article 2224 du code civil aux actions en nullité de marque.
Enfin, cet arrêt est sans nul doute à mettre en parallèle d’un arrêt plus ancien rendu par la même juridiction, et retenant que « l’action en nullité d’une marque, fondée sur ce caractère déceptif, qui n’est ni une action en contrefaçon, ni une action en revendication, n’est pas soumise aux règles de prescription et de forclusion édictées aux articles L. 712-6 et L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle » (Cour de cassation, ch. com. 13 octobre 2009, n°08-12.270).